Au sein du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité de l’UNESCO figure une tradition orthodoxe, la slava serbe. Cette fête, incontournable pour les serbes, est peu connue des autres orthodoxes, et nombreux sont ceux qui ne connaissent même pas de nom cette tradition.
La Slava serbe, fête du saint patron familial
La slava est une fête familiale : elle célèbre le saint patron de la famille, chaque famille ayant le sien. Le mot slava veut d’ailleurs dire « louage » ou « gloire », en l’occurrence celle du Christ à travers le saint.
Le lien avec la slava est avant tout d’ordre spirituel : la famille est sous la protection d’un saint. Ce dernier protège la famille depuis des siècles, à la fois chaque membre séparément et la famille dans son ensemble, y compris les membres défunts ou éloignés. Mgr Danilo et Mgr Amphiloque du Monastère de Hilandar expliquent que lors de la slava « nous ne faisons qu’un avec nos ancêtres et notre descendance, les morts et les vivants, dans Jésus-Christ ». La slava fédère la famille à travers son saint.
A travers la célébration du saint, chaque membre est appelé à prendre exemple sur la vie du saint patron, à s’en inspirer pour son cheminement spirituel. Les qualités portés par le saint au cours de sa vie peuvent même devenir des valeurs communes dans la famille : par exemple la générosité pour les familles sous la protection de Saint Nicolas ou encore le courage pour Saint Georges.
La slava se transmet dans la famille de père en fils aîné. Lors de la slava, les enfants reviennent donc dans la maison paternelle pour cette occasion. A son décès, le fils aîné devient porteur de la slava et c’est chez lui que la famille se réunit une fois le père décédé. Les femmes, elles, « épousent » la slava de leur mari. Lorsqu’une femme n’a pas de frère pour reprendre la slava du père, leur mari peut « adopter » la slava de sa femme : la famille célèbre alors 2 slava, une majeure et une mineure. Lorsqu’un membre de la famille vit à l’étranger et ne peut plus revenir dans la maison paternelle, le père peut donner sa bénédiction au fils pour être également porteur de la slava sur le sol étranger. Il lui transmet alors la liste de tous les défunts de la famille.
Théoriquement, comme il s’agit d’une fête familiale, ce sont les membres de la famille qui viennent en majorité à la fête, avec quelques invités parmi les plus proches amis. Dans les faits, dans les villages serbes, tous les habitants connaissaient la slava de leurs voisins et venaient leur rendre visite. Aujourd’hui, il est de tradition d’inviter à l’oral ceux avec qui l’on souhaite partager ce jour. Les invités peuvent venir n’importe quand et ils se succèdent au fil des heures. En Serbie, comme de nombreuses familles ont souvent le même saint protecteur, les invités ne peuvent pas toujours rester longtemps : ils sont attendus, au moins quelques minutes, chez tous leurs amis. Le jour de la slava, les Serbes ont une salutation particulière : les membres de la famille et les amis se saluent avec les mots « Crsna Slava » ou « Joyeuse Slava ».
Déroulement et signification de l’office
La slava est constituée d’un office particulier, avec des variantes selon les régions serbes, suivi d’un repas festif. L’office peut se faire le matin à l’église ou dans la journée dans la maison familiale.
Une table est disposée avec du vin rouge, du jito (du blé, l’équivalent de la koutia russe et de la koulivo grec), un cierge et un slavski kolac (prononcez « slavski kolatch »). Ce dernier est un pain de forme ronde sur lequel est inscrit « Isus Christos Nika » ou « Jésus Christ est victorieux » en grec. Le cierge représente la prière de la famille qui s’élève vers Dieu et les saints, en mémoire des défunts de la famille et des membres vivants. Les trois aliments sont offerts à Dieu comme fruit de la terre. Le jito (le blé) représente plus spécifiquement la mort et la résurrection : le blé doit mourir en terre avant de produire une plante. Le kolac (le pain) représente le Christ mais également la vie en tant que produit issu du blé. Le vin représente la joie éternelle.
L’office commence comme un office d’action de grâce classique et il est parfois accompagné de la bénédiction de la maison. Ensuite commence l’office de la slava proprement dit : le prêtre bénit le pain, le fend en forme de croix, et verse quelques gouttes de vin dedans. Par ce geste, il rappelle le sacrifice du Christ qui a été crucifié. Dans la majorité des régions serbes, la tradition veut que le prêtre et les membres de la famille forment ensuite un cercle en tenant le pain et le font alors tourner en chantant une prière particulière, propre à la slava. Ce geste vient symboliser l’éternité et la vie dans la joie du Christ. Puis le prêtre et le père de famille fractionnent le pain en deux et chaque membre de la famille vient embrasser le pain, le prêtre leur disant « Le Christ est parmi nous », les autres répondant « Il est et il sera ». La célébration se clôture avec la distribution du slavski kolac (le pain) avec une cuillère de jito (le blé) et un petit peu de vin.
La fête continue alors avec un festin. D’un point de vue alimentaire, on distingue deux types de slava : les mrsna slava, les jours de viande, et les posna slava, les jours de jeûne. Certaines slava tombent en effet durant des jours de carême, comme celle de Saint Nicolas juste avant Noël. Les plats préparés sont maigres, c’est-à-dire sans viande. À l’origine, une slava pouvait durer 3 jours ; aujourd’hui elle est plutôt fêtée sur une journée. Selon la coutume, les membres de la famille, hommes et femmes, doivent servir les invités et ne s’asseoir qu’une fois ces derniers partis, par hospitalité.
Xénia Cr.
Xénia Cr. est chercheuse dans le domaine environnemental, cheffe de chœur et catéchète. Elle est également membre fondatrice de l’équipe éditoriale des Chroniques du Sycomore.
Pour aller plus loin :
Mgr. Danilo (Krstic) et Mgr. Amphiloque (Radovic), Rien n’est plus beau que la foi chrétienne. Monastère de Hilandar, 128 p, 1994.
Lioubomir Mihailovitch, La Slava ou la fête baptismale serbe : préparation et célébration de la Slava, recueil de textes de différents auteurs, traduits du serbe par l’auteur, 19 p, 2010.
Une vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=aBHZCG7efrY
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