Le Seigneur est la seule Lumière dans les ténèbres du monde. Au-delà, il n’y a que plaisir ou tristesse. Je comprends que l’homme imagine qu’en prenant du plaisir, il grandit et prend de l’importance, alors qu’en vivant dans la tristesse, il régresse et se replie sur lui-même. L’homme, dans son existence superficielle, se projette de manière horizontale à cause de son humanité fatiguée, assiégé par les limites de l’horizon qu’il s’est contenté de se fixer, se plaçant ainsi lui-même au centre de son existence. (…)
Les événements peuvent être graves comme la guerre ou la peur de son déclenchement, ainsi que l’indigence et les crises qui peuvent avoir des conséquences proches de celles d’une situation de guerre. Il n’y aucun doute non plus que l’homme est victime de son ignorance, de sa pauvreté ou de sa richesse, aussi bien que des conflits dans sa famille, dans l’exercice de sa profession ou dans son parti politique.
A cause de cela ou bien d’une partie au moins, il réalise qu’il perd le moral et il arrive qu’il devienne misérable en raison de sa méconnaissance de ces choses. C’est à cause de tout cela que l’Écriture a appelé ces choses la vallée des larmes (Ps. 83), car il n’y a pas de limite à la souffrance, au handicap, à la perte des proches ou à leur absence.
Quand nos vies n’ont qu’une dimension horizontale
Toutes ces afflictions font partie de notre vie et elles touchent aussi bien le Juste que l’Inique. Celui qui a rompu les liens avec son Seigneur s’invente des plaisirs mais découvre qu’une fois expérimentés, ils ne compensent en rien le manque qu’il a en lui. Ainsi, comme il a été déçu par les plaisirs expérimentés, il sera déçu par les plaisirs à découvrir.
L’homme recherche une délectation à travers laquelle il pense guérir sa solitude ou alléger son amertume. Et s’il perd l’éclairage de sa conscience, il peut devenir l’otage de ce qu’il a découvert dans sa pratique physique ou dans une pratique conceptuelle qui ne le délivre pas des tourments de ces concepts. Ainsi, il ne lui reste plus, au milieu de ces événements qui l’affligent, qu’à attendre leur disparition. C’est alors que d’autres événements aussi douloureux que les précédents l’atteignent ou bien qu’il en imagine des effets déchirants ce qui l’amène durablement au désespoir. Ce qui veut dire qu’il crée par lui-même son propre enfer et peu nombreux sont ceux qui trouveront le moyen de quitter cet enfer. Je n’exagère pas en utilisant ce terme car je l’ai entendu des centaines de fois de la bouche de ceux qui l’ont choisi pour décrire la crise dans leur vie familiale : ma vie est devenue un enfer et je ne sais plus comment en sortir.
Toutes ces personnes sont positionnées sur la dimension horizontale et n’ont pas découvert la dimension verticale, c’est-à-dire la force qui les lie à Dieu ; tandis que ceux qui confessent Dieu vivent dans la quiétude et la tranquillité en temps de guerre ou dans l’expectative d’une guerre. Ils sont sereins, qu’ils soient en bonne santé ou malades, dans les secousses de la vie familiale ou dans sa stabilité. Ils ne considèrent pas comme une infortune l’épreuve qu’ils rencontrent ou la maladie qui les atteint physiquement ou psychologiquement, car Dieu demeure en eux ou ils demeurent en Lui.
Aspirer à la dimension verticale
Je connais des personnes qui se réfugient en Dieu, qu’ils vivent dans la joie ou dans l’adversité, car ils ont réalisé que Dieu est leur santé et leur résistance, ce qui veut dire qu’ils se sont dépassés eux-mêmes et qu’ils sont d’ores et déjà installés dans les Cieux. Le croyant pauvre se nourrit du Seigneur et le croyant riche est fortuné du Seigneur et n’accorde pas à ce qu’il possède une place importante dans son existence. Tu demandes au Créateur et Sauveur de venir en toi et tu le reçois comme étant toute ta vie selon la parole de Paul: Je vis mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi (Ga.2, 20).
Tu ne peux pas délester ton âme de ses souffrances en empruntant des consolations venues du monde car le monde ne te nourrit pas de la Vérité. Le plaisir ne compense pas un plaisir et il n’y a pas de délassement au-delà de celui dans lequel tu vis maintenant. Tout plaisir est vide par définition. Il te fait oublier tes soucis pour un temps, jusqu’à ce que tu en rencontres d’autres, car tu t’abreuves en tout du monde dont tu t’es rendu le centre. Tandis que si tu choisis ton Dieu comme centre de ton existence, tu ne restes plus l’esclave d’une maladie, d’une oppression, d’une persécution ou d’une crise dans ta maison ou dans ton pays.
Tu ne peux échapper au poids de la situation dans laquelle tu vis, qu’elle soit politique ou économique. Ce monde est, comme nous nous en apercevons, empli de guerres et il te revient d’aspirer à la paix. Mais nous observons que les guerres sont sans fin, que la maladie n’a pas de fin et que chaque péché si tu l’acceptes est suivi d’un autre péché ; que toute désobéissance est amère car la conscience naturelle qui te reste te sermonne et qu’il n’y a que les monstres qui peuvent étouffer leur conscience jusqu’à la fin.
Et si tu décides de te tenir à ta dimension horizontale, c’est-à-dire si tu acceptes de vivre d’une manière superficielle alors, tu es mort intérieurement. Tu peux peut-être croire en certaines valeurs et te les remémorer, mais ces valeurs dans leurs profondeurs te viennent de la Foi. Et, considérant que les valeurs sont des sujets de discours philosophiques que certains ont essayé d’ériger en dieu à la place de Dieu, alors que ton être-même ne peut subsister qu’en étant nourri de l’Être de Dieu, pourquoi alors substituer à la présence divine des notions culturelles ?
La Foi en Dieu est une Foi agissant dans le cœur, c’est-à-dire transformant ce cœur ou lui apportant la guérison. Tu es avec ton Seigneur soit en confrontation, soit en connexion, soit en communion entre ton être et le Sien, car Il a en Lui une Vie qui agit dans la tienne et les conceptions philosophiques ne peuvent Le remplacer. Car Dieu est vivant et tout ce qui est autre n’est que concept que ton intellect peut recevoir mais qui ne peut réanimer ton âme.
Faire face à l’absurde de la souffrance
Je n’ai pas voulu insister sur les souffrances que tu endures à cause de tes fautes, de la maladie ou des crises du pays et du monde, je ne suis pas en train d’insinuer qu’elles sont le seul moyen pour aborder Dieu. Oui, de nombreux versets dans l’Écriture appellent le souffrant à demander de l’aide à Dieu car l’Écriture Sainte veut nous guérir, en cela David a dit : Des profondeurs j’ai crié vers Toi, Seigneur (Ps. 129) et en disant profondeurs il parle de l’affliction dans laquelle nous nous jetons. Mais les Justes s’élèvent auprès de Dieu en raison de leur joie dont ils savent qu’Il est la source. Voilà pourquoi ils demeurent dans l’espérance et non pas uniquement en usant d’incessants appels au secours.
Et quand nous parlons, nous chrétiens, de la croix sur laquelle chacun d’entre nous est crucifié, nous demandons qu’elle soit écartée de nos épaules, de par la souffrance qu’elle représente, mais nous croyons que notre propre croix est notre chemin à la résurrection et nous ne parlons pas de la Résurrection du jour dernier mais nous voulons par cela que Dieu soit notre vie et notre résurrection, et que ceci soit à réaliser ici-bas.
Nos souffrances présentes, si nous les acceptons avec gré, reconnaissance et espérance, nous procurent l’énergie de consolation car nous savons que le Seigneur se souvient de nous et nous visite à travers elles comme disent les saints. Nous savons, si nous sommes croyants, que Dieu cohabite avec la souffrance et demeure en nous bien que nous soyons dans le péché, et ce pour l’éloigner de nous afin que notre cœur soit purifié.
L’affliction est une épreuve qui nous arrive à cause de la déchéance du monde. Elle est telle qu’elle est et nous ne connaissons pas toujours sa raison d’être. Dieu soigne l’homme à partir de la situation dans laquelle il se trouve : Il converse avec lui, le sermonne, le châtie et l’aime tout à la fois, afin que la colère le quitte et que la paix vienne en lui. Et avec cette paix intérieure, il cohabite avec la guerre, avec la faim, avec les restrictions et les difficultés psychologiques.
La guérison physique peut venir en raison de la miséricorde divine et t’accompagner tout au long de ta vie. La paix, elle, est ton remède quand bien même la maladie persiste, et là tu peux vivre toute situation, qu’elle soit ou non raisonnable selon l’échelle humaine.
Dans le christianisme nous n’appelons pas à l’héroïsme, mais nous appelons à la patience, et la patience n’est ni la résignation ni la défaite devant la situation existante, mais c’est la confiance en Dieu qui te soigne comme Il l’entend et te suggère que ta plus grande calamité est l’iniquité à laquelle tu fais face par le repentir, c’est-à-dire par la présence de Dieu en toi.
Dieu ne supprime pas l’histoire écrite par les peuples, n’abroge ni ton propre temps ni l’espace dans lequel tu vis, mais Il t’accompagne dans ton temps et ton espace et, si tu patientes ici-bas, tu recevras ici-bas Ses consolations. Le Ciel alors demeure en toi avant que tu ne demeures en lui au jour dernier.
Ce qui veut dire que Dieu ne te prive pas des dimensions horizontales qui sont attachées à ton corps et à tes sentiments, mais qu’Il te fait miséricorde par la dimension verticale et veille à ce que tu la gardes.
Ce Dieu n’est pas comme tu le vois une pensée abstraite. Il est Vérité, Existence, Joie et Bonheur. Ainsi tu fais face à toi-même, à l’histoire de ta nation et aux souffrances du monde.
Tout cela ne s’accomplit en toi qu’en croyant que Dieu est Espérance, et qu’Il est pour toi un don qui ne connaît pas de fin.
Métropolite Georges Khodr
Mgr Georges Khodr, né en 1923, évêque émérite du Mont-Liban, est une voix majeure du christianisme au Moyen-Orient. Théologien renommé, engagé dans la vie de son pays, il fut l’un des fondateurs du Mouvement de Jeunesse Orthodoxe (MJO) au Liban.
Traduit par le père Marcel et Claudine Sarkis. Publié initialement dans le Bulletin Le Bon Pasteur n°9 mars – juin 2008
Les commentaires sont désactivés.