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Homélie sur la femme courbée

Photo : Alexandra de Moffarts

Le texte de l’épître de saint Paul aux Colossiens qui a été lu avant l’évangile (Col 1, 15-20) est une hymne très ancienne de l’Église. C’est une hymne à la gloire du Christ, « Image du Dieu invisible », « premier-né de toute créature », ce qui ne signifie nullement que le Christ est créé – Saint Paul n’est pas arien ! – mais que « par Lui tout a été fait » comme nous le confessons dans le Credo et « tout a été créé par Lui et pour Lui ». Puis, l’hymne nous dit qu’« Il est avant toute chose et tout subsiste en Lui ». Il est aussi la « Tête du Corps, c’est-à-dire l’Église ». Ceci nous amène au principal : « Il est en tout le Premier », en particulier « le Premier-né d’entre les morts », car « il fallait qu’Il obtînt en tout la primauté ».

Le « Premier-né d’entre les morts » nous amène à l’Evangile d’aujourd’hui. En effet, il y est question d’une guérison qui a lieu le jour du Sabbat dans la Synagogue. En passant, remarquons que le chef de la Synagogue ne s’adresse pas au Christ qui a « travaillé » le jour du Sabbat, mais à la foule : « Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler : venez donc ces jours-là vous faire guérir, et non le jour du Sabbat ». Le Christ, quand à Lui, joue sur le mot « délier » : le bœuf, l’âne, la pauvre femme courbée. Nous savons bien que le Christ, plus d’une fois dans l’Évangile, ne respecte pas l’interdiction de travailler le jour du Sabbat. Mais il y a un jour du Sabbat où Il le respecte à sa façon et nous donne la leçon des leçons à ce sujet. Il s’agit du Samedi où tous nous venons à l’Église, (ce qui malheureusement n’est pas le cas tous les samedis quand il n’y a souvent que trois ou quatre paroissiens présents à l’office). Il s’agit du Samedi Saint, jour où nous « enterrons » le Seigneur durant les Matines. Ce jour-là, nous chantons un texte magnifique que je me permets de vous rappeler :

« Le grand Moïse disait : “Et Dieu bénit le septième jour”. Mystérieuse préfiguration de ce jour-ci : Voici le Sabbat béni ; voici le jour du repos, car en ce jour se reposa de toutes ses œuvres le Fils unique de Dieu, par l’accomplissement de sa mort. Il célèbre le Sabbat dans sa chair et retourne dans sa gloire première par la Résurrection en nous accordant la vie éternelle, car Il est bon et ami de l’homme. »

« L’accomplissement de Sa mort » est à comprendre comme le « parachèvement » de l’œuvre de la création et donc de la « nouvelle création », c’est-à-dire ce que le Christ « accomplit » par son Incarnation. N’oublions pas qu’Il est venu pour « accomplir » la Loi et non pas pour la supprimer. « Je ne suis pas venu abolir [la loi], mais l’accomplir » (Mt 5,17). Le Sabbat est « accompli » par le Christ quand Il a l’air de le transgresser. Et le Samedi Saint, le « repos » du Christ est en réalité le sommet de son œuvre, de son « travail » ici-bas. Car que « fait » le Christ par son repos ce jour-là ? Il ne fait rien moins que de nous donner la Résurrection, comme le dit l’hymne des matines du Samedi Saint : « Il retourne dans sa gloire première par la Résurrection en nous accordant la vie éternelle ». De plus, pour nous en rendre compte, il nous suffit de regarder la représentation iconographique la plus courante de Pâques : c’est la descente aux Enfers, la résurrection d’Adam et Ève, la destruction des portes de l’enfer. C’est ainsi que nous représentons le Christ qui « par la mort détruit la mort ». Amen.  

P. Nicolas Lossky (+)

Le p. Nicolas Lossky (1929-2017) fut professeur de civilisation britannique à Paris X – Nanterre, professeur d’histoire de l’Église occidentale à l’Institut Saint-Serge et membre actif au Conseil Oecuménique des Églises.

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