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Les chrétiens et le blasphème (2) : Réjouissons-nous de cette « parodie ».

Après un premier article sur ce sujet intitulé Panem et circenses, nous proposons un nouveau texte permettant de poursuivre nos réflexions. L’article ci-dessous a été publié au lendemain de la cérémonie des Jeux olympiques 2024, et relayé par plusieurs journaux, il a aussi été traduit et publié en anglais sur le site Public Orthodoxy.

Prenons l’exemple de la « parodie de la Cène ». Il ne s’agit pas d’une parodie de la dernière cène, mais une parodie de tableaux qui interprètent la dernière cène, tableaux qui sont tout aussi éloignés de ce qui a pu réellement avoir lieu, mais aussi, possiblement, une réinterprétation de mythes dionysiaques (n’oublions pas que le judéo-christianisme s’est inspiré également de mythes d’autres cultures).

Des pécheurs, des publicains, des prostituées : comme chrétien, j’aime à penser que Jésus, aujourd’hui, aurait pu s’entourer de ces personnes pour son dernier repas.

N’oublions pas que lorsque les auteurs évangéliques (qui n’ont pas connu Jésus et appartiennent aux 2e et 3e générations de disciples) inscrivent dans leurs récits un repas lors d’une « dernière Cène » (sauf l’auteur de l’Évangile attribué à Jean), ils reportent dans leurs récits une pratique de leur communauté (elle-même issue du seder pascal juif). Difficile de pouvoir décrire « historiquement » ce repas qui est décrit dans des récits à haute valeur théologique ajoutée.

Je réagis ici comme prêtre catholique. Sur l’irrespect qui serait fait au Christ avec ce que certains ont appelé une « parodie honteuse de la dernière Cène » (surtout dans la fachosphère et l’extrême-droite hexagonale), cela témoigne d’une méconnaissance totale de la théologie de la kénose.

Je donne un exemple. ll y a quelques dizaines d’années, en France, un artiste avait scandalisé des catholiques qui avaient violemment manifesté. De quoi s’agissait-il ? Il avait exposé des croix de crucifix baignant dans de l’urine. Ce à quoi l’hebdomadaire La Vie avait répondu par la voix d’un de ses théologiens que les Pères de l’Église y auraient vu une très symbolique et théologique représentation de la kénose (le Christ qui se vide de sa divinité pour s’abaisser dans l’humanité) et qu’il s’agissait probablement – au corps défendant de l’artiste – de la plus « vraie » représentation du Christ. Mais l’argument n’a pas été entendu (surtout par les catholiques crispés et identitaires).

Et pourtant, dans ces représentations, y compris celle d’hier, c’est le sens le plus profond du christianisme qui se donne là à voir : Jésus qui accueille les pécheurs, les publicains, les prostituées et qui leur promet de nous précéder dans le royaume. Comme chrétien, j’aime à penser que Jésus, aujourd’hui, aurait pu s’entourer de ces personnes pour son dernier repas. Au grand dam bien sûr des nouveaux pharisiens d’aujourd’hui !

C’est l’essence même du message du Christ et de l’Évangile.

Et c’est une occasion de rappeler le cœur même du message de Jésus, à savoir l’amour de tous, y compris et d’abord de nos ennemis. Jésus rappelle que Dieu fait pleuvoir sur les bons et les méchants, qu’il accueille tout le monde et que nous sommes invités à en faire autant.

Et l’amour des autres n’impose aucune réciprocité de leur part, car si nous aimons qui nous aime, les païens en font autant.

Et donc oui, réjouissons-nous aussi de cette « parodie » pour mettre ainsi en application le message du Christ et d’une civilisation qui veut s’en inspirer.

Et si l’on nous demande notre manteau, donnons aussi notre tunique ! C’est clair, net et précis, « nos traditions », c’est une invitation à aimer tout homme, toute femme, et surtout celui ou celle qui est étranger, qui vient d’ailleurs, a une autre religion, d’autres coutumes, qui est différent.

Le gros problème est que beaucoup qui se revendiquent de Jésus Christ n’ont pas saisi toute la profondeur, la radicalité et l’intensité de son message.

En près de 40 ans de prêtrise, j’ai découvert que nombre de fidèles avaient les mots et les gestes conformes mais n’étaient pas des disciples du Christ et de l’Évangile. En revanche, j’ai découvert sur les parvis et hors des églises que nombre de personnes qui n’étaient pas chrétiennes ou pas « pratiquantes » étaient des disciples de l’Évangile sans le savoir.

Père Charles De Clercq

Charles De Clercq a été officier de la police judiciaire avant d’être ordonné prêtre en 1986. Il est prêtre dans l’Unité pastorale Meiser (diocèse de Bruxelles). Membre de l’équipe communication, il a participé au développement de la communication du vicariat de Bruxelles, notamment sur Internet. Journaliste et critique cinéma, de 2011 à ce jour, pour RCF Bruxelles : « Les 4 sans coups », « Les conseils ciné et télé ». Responsable du site cinecure.be.

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