Le cinquième dimanche du Carême est le dernier avant l’Entrée du Seigneur à Jérusalem, le Dimanche des Rameaux. La lecture de l’Évangile proposée pour ce jour commence par l’annonce que fait le Sauveur aux douze apôtres : Il va souffrir et mourir sous la condamnation des grands prêtres et des scribes. Cette annonce est la troisième et dernière dans les Évangiles, elle est très solennelle car le Christ prend les douze à part pour les préparer à cette épreuve (Mc 10,32).
D’après la réaction de deux apôtres Jacques et Jean, ceux-ci croient encore à un avènement humainement triomphant, dans lequel ils revendiquent une sorte de première place : siéger de chaque côté du Christ. Mais sans directement les contredire, le Sauveur leur annonce en termes voilés que siéger à droite et à gauche est réservé à ceux qui seront crucifiés en même temps que Lui, à savoir les deux larrons. Il n’empêche que non seulement Jacques et Jean, mais aussi les autres apôtres, et tous les chrétiens, nous tous à leur suite, sommes appelés à suivre le Christ sur ce même chemin qui passe par la Croix. C’est ce qu’affirme le Christ quand Il annonce : « Vous boirez la coupe que Je bois et vous serez baptisés du baptême dont Je serai baptisé » (Mc 10,39). Nous avons tous en effet à passer par des épreuves avec le secours du Christ pour triompher avec Lui, mais d’une manière différente de ce que demandaient auparavant Jacques et Jean, car c’est précisément la Croix qui est le triomphe et la gloire du chrétien. L’Église chante chaque dimanche dans les Matines : « par la Croix, la joie est venue dans le monde ».
Cette gloire du Christ est donc promise à toute l’humanité, elle passe par la Croix qui nous accompagne tout au long du Carême. Notre Croix personnelle, contrairement aux apparences, le Christ nous la rend légère car Il l’a assumée une fois pour toutes, et pour nous tous, même si nous sommes pris au dépourvu par nos épreuves. Et à la fin de son propos ici, le Christ rappelle que personne ne doit chercher à être le premier et précise le moyen de participer à la Croix et à la Victoire : devenir, comme l’a fait le Christ, le serviteur de tous. Le Christ s’est engagé à nous aider à cela, en donnant sa vie pour l’humanité. Avec le Christ nous pouvons nous aussi triompher en devenant, chacune et chacun, serviteur de tous (Mc 10,44-45).
Ce dimanche est aussi marqué par la mémoire de sainte Marie l’Égyptienne, qui fait suite à celle de saint Jean Climaque : ces deux mémoires sont liées. Par la composition de son Échelle, saint Jean Climaque nous a expliqué le chemin qui doit être accompli pour atteindre le Christ, pas à pas tout au long de notre vie. Et sainte Marie a accompli ce chemin par un repentir qui peut nous sembler inouï. Mais ce chemin a effectivement été parcouru par elle grâce au secours de Dieu. Outre l’aspect extrême de son repentir, avec tant d’années passées au désert sans jamais rencontrer personne, l’attitude de sainte Marie peut dès le départ se caractériser par une absence totale de désespoir ou de découragement. Ayant eu dès sa jeunesse une soif d’absolu, déformée par le péché et exprimée par un fort désir charnel, sainte Marie prend la décision d’aller vénérer la Croix, et il est raconté dans sa vie qu’elle en est empêchée par une force mystérieuse, rationnellement inexplicable, une force de Dieu. Loin de se décourager, sainte Marie se tourne intérieurement vers la Mère de Dieu, et extérieurement vers son icône, pour lui demander son secours. La Toute-Sainte ne manque pas de l’assister, non seulement à ce moment décisif de sa conversion, mais aussi tout au long de son parcours vers le désert, et vers son salut. Ainsi, sainte Marie l’Égyptienne, qui a accepté la Croix selon la lecture de l’Évangile de ce jour, devient pour nous un modèle de repentir. En nous tournant vers elle, en la priant et en lui demandant ses prières, nous participons, si peu que ce soit, à ses épreuves, mais aussi à sa victoire sur le péché et à sa résurrection avec le Christ. Même si nos épreuves aujourd’hui ne sont pas extérieurement aussi spectaculaires que des années passées au désert, de tout ce que nous subissons en ces temps difficiles Dieu n’est pas absent, mais avec les apôtres qui suivent le Christ dans la crainte, nous allons nous aussi recevoir son aide divine par la Croix, et finalement participer à la force de la Résurrection qui nous est promise. Cette force est déjà en œuvre chaque fois que nous acceptons de ne pas nous décourager, mais que nous apprenons, en toute circonstance, à remercier et glorifier Dieu comme Père et Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles.
P. André Lossky
Le p. André Lossky est liturgiste, spécialiste du typicon, professeur de théologie liturgique à l’Institut Saint-Serge (Paris), et retraité de la fonction publique. Il dessert actuellement la paroisse orthodoxe d’Agen.
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