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La Décollation de saint Jean-Baptiste

Nous fêtons aujourd’hui la Décollation de Jean-Baptiste, une grande figure de l’Église, une grande figure de l’Évangile. Nous le vénérons en tant que Prophète, Précurseur et Baptiste du Seigneur. 

Prophète, et « plus qu’un prophète », au dire même du Seigneur, « le plus grand des hommes nés d’une femme » (cf. Mt 11, 9-11 ; Lc 7, 26-28), car il a non seulement annoncé la venue du Seigneur, mais il a pu le montrer à ses disciples pour qu’ils le suivent. Et par sa vie et sa mort, il a déjà participé à son œuvre de salut. C’est pourquoi, dans l’iconographie, comme nous le voyons sur la deisis, il intercède au plus près du Seigneur, à sa gauche, après la Mère de Dieu qui est à sa droite. 

Nous le fêtons plusieurs fois dans l’année : 

– pour sa Nativité le 24 juin ; 

– le 7 janvier, lendemain de la fête de la Théophanie, en tant que Baptiste du Christ ; 

– et, le 29 août, au jour de sa mort, comme récapitulation de toute sa vie terrestre.

Il est mort par décapitation, sur l’ordre du roi Hérode Antipas, le fils de l’autre roi Hérode de sinistre mémoire, Hérode le Grand, qui avait fait massacrer les enfants innocents après la naissance de Jésus à Bethléem. 

L’Église commémore aussi, le 24 février et le 25 mai, les inventions successives du chef du Précurseur (le terme invention est utilisé dans l’Église pour découverte, et le chef est un autre mot pour la tête). D’après l’Évangile (Mc 6, 29), le corps de Jean-Baptiste a été enseveli par ses disciples. Quant à sa tête, selon la tradition, elle a d’abord été jetée dans un lieu indigne, puis recueillie par Jeanne la Myrrhophore, épouse de l’intendant d’Hérode, et secrètement enterrée sur le mont des Oliviers. C’est là qu’a eu lieu la première invention au IVe siècle. Ensuite, le chef de saint Jean a été à nouveau dissimulé, puis retrouvé à Émèse (l’actuelle ville d’Homs en Syrie). Plus tard, retrouvé à Comanes en Cappadoce, il a été solennellement transporté et conservé à Constantinople, avant d’être pris par les croisés en 1204. Aujourd’hui, une partie de cette relique peut être vénérée en France dans la cathédrale d’Amiens. 

Jean-Baptiste est avant tout le Précurseur, celui qui devait « marcher devant la face du Seigneur pour préparer ses voies », comme l’avait annoncé l’archange Gabriel à son père Zacharie (cf. Lc 1,17 ; 1,76), en accomplissement des prophéties d’Isaïe (Is 40,3) et de Malachie (Mal 3,1). C’est lui le premier qui a prêché dans le désert : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche » (Mt 3,2). Exhortation qui sera reprise par Jésus au début de son ministère public. 

Jésus a rencontré Jean-Baptiste plusieurs fois. Il n’était pas présent au moment de sa décapitation. Mais lorsque ses disciples lui ont annoncé sa mort, il s’est retiré dans un endroit désert pour prier. 

Précurseur, Jean-Baptiste l’est donc aussi par sa mort, une mort injuste. Il a été offert en sacrifice, comme victime des péchés des hommes, préfigurant la mort rédemptrice du Christ quelques années plus tard. 

Et selon la tradition de l’Église, accomplissant jusqu’au bout sa vocation de précurseur, il l’a précédé dans les enfers pour y annoncer « la Bonne Nouvelle du Dieu manifesté dans la chair » (selon le tropaire de la fête), dans l’attente de la Résurrection avec tous ceux qui étaient morts en Adam. L’icône de la Résurrection (ou plutôt de la descente aux enfers) nous montre comment le Christ, vainqueur de la mort, est venu les chercher et les tirer des tombeaux. 

Mais l’Évangile nous offre un autre enseignement. Le roi Hérode, en tant qu’exemple à ne pas suivre, nous montre comment un péché en entraîne un autre. 

Dans l’ordre chronologique de ce qui est dit dans l’Évangile, nous trouvons d’abord l’adultère : Hérode a pris Hérodiade, la femme de son frère Philippe, pour l’épouser. Ensuite l’injustice, en condamnant un innocent. En effet, comme Jean lui reprochait son union illégitime avec la femme de son frère, il l’a fait mettre en prison. Ces actes, il les a accomplis sur un fond d’orgueil : il croyait pouvoir faire ce qu’il voulait, ayant le pouvoir sur tous ses sujets, n’ayant de comptes à rendre à personne. 

L’orgueil se manifeste encore lorsqu’il organise un banquet pour son anniversaire, invitant tous les grands dignitaires du Royaume. Et c’est là que le pire va se produire. Séduit par une jeune fille, la fille d’Hérodiade, qui se met à danser au cours du festin (la convoitise de la chair est un point faible chez lui), et probablement enivré par l’excès de boisson, il lui promet de lui donner tout ce qu’elle demandera, « fut-ce la moitié de son royaume ». Une manière de briller devant tous en montrant l’étendue de son pouvoir. 

Mais par cette promesse, il s’est tendu lui-même un piège : la jeune fille, embarrassée, ne sachant pas quoi demander, s’en remet à sa mère. Alors Hérodiade, qui a de la haine pour Jean-Baptiste depuis qu’il lui a reproché son union adultérine, lui fait demander sa tête. Hérode se rend alors compte qu’il est allé trop loin et s’attriste : il ne voulait pas le tuer, il le respectait et prenait même plaisir à l’écouter, il savait que c’était un homme juste. Mais il n’a pas voulu se dédire et perdre la face aux yeux de ses convives en ne respectant pas sa promesse. Il ordonne donc de trancher la tête de Jean-Baptiste. Funeste enchaînement de péchés qui va jusqu’au meurtre d’un innocent. 

Pour autant, il n’a pas la conscience tranquille. Même après sa mort, il le craint encore, et quand il entend parler de Jésus et de ses miracles, hanté par le souvenir de Jean-Baptiste, il se demande si ce n’est pas lui qui est ressuscité des morts pour venir le tourmenter. 

Cette histoire est une leçon très instructive. Car pour nous aussi, si nous n’y prenons pas garde, un péché peut en entraîner un autre, puis un autre…, indéfiniment. Ce n’est pas une fatalité, car nous avons toujours la liberté de dire non, de dire stop, mais plus nous nous enfonçons dans les péchés, plus il est difficile d’y mettre un terme. 

Comme il est dit dans l’hymnographie de ce jour, Hérode aurait pu ne pas jurer à la jeune fille de lui donner tout ce qu’elle demanderait. Et même ayant fait ce serment, il aurait pu ne pas le tenir, pour ne pas commettre l’irréparable, quitte à perdre de son crédit. Mais il était lié par l’idée qu’il se faisait de son honneur et de son autorité. 

Quant à nous, nous avons un moyen de mettre un terme à cet enchaînement des péchés : la confession et le repentir. 

Rompre l’enchaînement infernal des péchés, c’est justement la mission que Jean-Baptiste avait reçue lorsqu’il prêchait dans le désert : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche ». Et il baptisait ceux qui venaient à lui en confessant leurs péchés (cf. Mt 3,1-6). 

Écoutons cet appel de Jean-Baptiste au repentir et recourons à sa prière, car il intercède puissamment auprès du Seigneur pour le salut de nos âmes. 

Père André Jacquemot

Le père André Jacquemot est le recteur de la paroisse des Trois-Saints-Hiérarques à Metz.

Source : Ce texte provient d’une homélie prononcée par le père André le dimanche 29 août 2021.

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