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La Pentecôte ou la purification du coeur par l’Esprit

Photo : Xénia Cr.

Nous avons l’habitude de dire que Pâques, la fête des fêtes est l’aboutissement du voyage qu’est le Grand Carême, mais en réalité le terme du chemin c’est la Pentecôte qui renouvelle chaque fidèle personnellement dans la grâce de l’effusion de son baptême et l’Église toute entière dans les dons qu’elle reçoit. Quand nous pensons à cette fête, c’est le récit des Actes des Apôtres (Ac 2, 1-11) qui nous vient à l’esprit, sur lequel se fonde la fête et notre liturgie. 

Mais de quelle Pentecôte s’agit-il dans ce récit ? Nous parlons de la Pentecôte de l’Église. Or si nous y regardons de près nous lisons : « Le jour de la Pentecôte étant arrivé, les apôtres étaient tous ensemble dans le même lieu ». Cela désigne sans équivoque la Pentecôte juive (Shavouot en hébreu) célébrée cinquante jours après la Pâque juive (Pessah) puisque les Apôtres, et la Mère de Dieu, continuent de vivre les fêtes juives, au rythme de leur calendrier. Mais les Actes ne nous disent rien de cette célébration juive de Pentecôte, de son déroulement, de son rituel, de ce qu’on y faisait, de sa signification. Pour savoir ce qu’il se passait lors de cette fête, il faut donc aller chercher quelques informations ailleurs, notamment dans le livre de l’Exode (19 et 20). C’est par le don de la Torah que l’alliance entre Dieu et son peuple se réalise en plénitude, et, en quelque sorte, est scellée. C’est par le don du Saint Esprit que l’Église naît et va commencer à se répandre sur toute la terre. 

Quand bien même les stichères des matines parlent du Mont Sinaï ou y font allusion, les lectures des vêpres ne nous proposent pas la péricope du livre de l’Exode sur le don de la Torah, mais semblent plutôt insister sur le don de l’Esprit déjà conféré aux Hébreux dans l’Ancien Testament et sur la purification de leur cœur opérée par Dieu Lui-même. C’est-à-dire que nos saints Pères ont choisi des lectures de l’Ancien Testament en lien immédiat avec le récit des Actes des Apôtres, mettant en lumière, à travers des lectures qui le suggèrent, à la fois le don de l’Esprit (par le Christ) et la purification du cœur. L’attention est donc portée davantage sur l’aspect intérieur de la vie des croyants pour la célébration de cette fête. L’Esprit Saint agit dans le cœur des fidèles, il transforme chacun personnellement et ainsi, à travers chacun, toute l’Église est purifiée et rendue fidèle à l’alliance. 

La première lecture des vêpres (Nb 11,16-17.24-29) met en lumière une similitude : de même que le Père avait pris l’Esprit qui reposait sur Moïse pour le mettre sur les soixante-dix anciens réunis autour de lui, de même le Christ envoie l’Esprit d’auprès du Père (cf. Jn 15,26) sur les disciples qu’Il a choisi et qui sont réunis en un même lieu. De même encore deux hommes, qui n’étaient pas venus à la Tente de Réunion pour recevoir l’Esprit avec les autres, Le reçurent et se mirent à prophétiser, de même l’Esprit Saint tombe sur les païens qui écoutent la parole et se mettent à parler en langues, à la grande stupéfaction de Pierre (Ac 10,45-46). 

La seconde lecture, celle du prophète Joël (2,23 – 3,5) fait allusion à l’universalité de l’effusion de l’Esprit répandu non plus sur des personnes choisies, mais « sur toute chair », elle atteint jusqu’aux esclaves qui n’en seront pas privés. Allusion discrète s’il en est, à la libération d’Égypte, (fête de Pessah), première étape vers la libération plénière qui sera donnée à Shavouot. Cet Esprit répandu à profusion est accompagné de signes retentissants dans le ciel et sur la terre, le cosmos entier participant à cette manifestation divine. Le récit des Actes des Apôtres en gardera quelques traces. 

La troisième lecture, de la prophétie d’Ezéchiel (36,24-28), va mettre l’accent sur la purification du cœur par l’eau que le Seigneur va répandre sur son peuple. Cette purification va permettre à chacun d’accueillir la transformation de son cœur de pierre en cœur de chair et devenir ainsi enfin le réceptacle de l’Esprit pour marcher selon les lois du Seigneur. L’eau semble ici à la fois être une préparation au don de l’Esprit : « je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés » afin d’être disposé à recevoir un cœur nouveau, en même temps qu’une des manifestations de ce même Esprit. L’Écriture et la tradition l’identifient à la Parole de Dieu et même à l’Esprit de sainteté : « Ils m’ont abandonné moi la source d’eau vive » dit le prophète Jérémie (Jr 2,13). 

Cette purification du cœur par l’Esprit est bien à l’origine comme au terme du temps pascal. Nous y sommes entrés par cet effort ascétique du Grand Carême et nous en sortons avec une conscience plus aiguisée de notre indignité devant les dons ineffables du Christ pour nous : la croix, le tombeau, la mort, la Résurrection, l’Ascension et le don de l’Esprit Saint.

Nous voici lancés dans la vie chrétienne, armés de la prière au Saint-Esprit que nous réintroduisons au début de tous nos offices quotidiens après cette interruption pascale. Nous le supplions : « Viens habite en nous, purifie-nous de toute souillure et sauve nos âmes toi qui est Bon ».

L’office de l’agenouillement de ce même jour nous met en garde, s’il le fallait, contre toute prétention orgueilleuse ou magique du salut qui nous a été acquis par la victoire du Christ sur la mort et que nous avons proclamé durant toute la cinquantaine : « par sa mort Il a vaincu la mort ». Il nous replace dans notre pèlerinage sur terre, qui nous donne de marcher humblement avec Dieu en Lui demandant à chaque instant le secours de son Saint-Esprit, sans Lequel nous ne pouvons rien faire de bon. 

Sandrine Caneri

Sandrine Caneri est bibliste et spécialiste du dialogue entre juifs et chrétiens orthodoxes. Elle enseigne à l’Institut de Théologique orthodoxe Saint-Serge, à Paris.

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