Si l’on comprenait Dieu, Il ne serait pas Dieu, parce que comprendre veut dire contenir dans son esprit. On peut contenir l’idée de ce qu’est un animal dans notre esprit, mais l’animal ne peut pas comprendre l’homme parce qu’il est plus petit que lui. De même, l’homme ne peut pas comprendre Dieu. Dieu demeure incompréhensible, mais on peut Le contempler. Vous aimez quelqu’un : est-ce que vous arrivez jamais à comprendre réellement la personne que vous aimez ?
Le credo, résumé de l’enseignement des apôtres
À travers l’histoire de l’Église, on a essayé d’approfondir le mystère de Dieu en le précisant et cela donne le Credo, qui fait partie de la Tradition. Le Credo, le symbole de foi, c’est-à-dire le résumé de l’enseignement des apôtres qui a été proclamé par le premier et le deuxième Concile œcuménique, que nous récitons chaque dimanche au cours de la divine liturgie, fait pour nous partie de la Tradition parce que nous y confessons le Père, Créateur du ciel et de la terre, le Fils né de la Vierge Marie, conçu par le Saint Esprit, crucifié, ressuscité, monté aux cieux, assis à la droite du Père et devant revenir à la fin des temps, le Saint Esprit, Seigneur, Source de vie, le baptême, l’Église : voilà la Tradition résumée dans le Credo.
Ce Credo n’est pas dans le texte de l’Évangile, mais il n’y a rien en lui qui ne soit pas exprimé dans l’Évangile. Le texte a été rédigé par l’Église (c’est la définition de la Tradition), mais il n’y a rien qui ne soit dans l’Écriture sainte. On remarque à la fois la fidélité et la création.
On peut méditer chaque parole du Credo, on peut l’approfondir, on peut passer une vie à méditer le mystère de la Trinité. La fameuse icône de la Trinité de saint André Roublev – les trois anges rendant visite à Abraham autour d’une table – est une extraordinaire méditation du mystère trinitaire. Elle s’insère dans la Tradition parce qu’elle contemple la Trinité.
Nous disons souvent « Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit » machinalement, alors qu’il est finalement beaucoup plus important de dire cela que de demander à Dieu cent mille choses dont nous avons besoin, comme des enfants capricieux, comme si Dieu le Père ne savait pas de quoi nous avons besoin. Il faut qu’un chrétien fasse parfois un effort désintéressé : rendre gloire à Dieu pour ce qu’Il est, parce qu’Il est le Dieu Amour, parce qu’Il est Père, Fils et Saint Esprit, parce qu’Il a toujours été Père, parce qu’Il a toujours eu un Fils et un Saint Esprit et parce que – nous arrivons au point essentiel – ce Dieu Amour a voulu communiquer à sa créature, l’homme fait à son image, la possibilité de participer à sa nature.
S’exposer au rayonnement du Soleil divin
Pour tous les Pères, de siècle en siècle, cette possibilité de réellement participer en ce monde à la nature de Dieu constitue la déification. Ce n’est pas nous qui faisons quelque chose, mais c’est Dieu qui agit. Comment faisons-nous pour participer à la chaleur et à la lumière du soleil ? Nous nous mettons au soleil et nous nous exposons à sa lumière. Nous pouvons nous enfermer dans notre chambre et fermer les volets. À ce moment-là, nous ne participons pas à la nature du soleil, mais si un jour de beau temps nous nous exposons au soleil, son rayonnement nous atteint.
La vie chrétienne consiste essentiellement à essayer de s’exposer au rayonnement du Soleil divin, c’est-à-dire à l’action du Saint-Esprit. Comment le faisons-nous ? Pour recevoir le don du Saint Esprit, il faut d’abord croire à Celui qui nous Le donne, c’est-à-dire au Christ. L’Esprit Saint qui procède du Père repose dans le Fils et c’est le Fils qui Le donne. Si l’on ne croit pas au Christ, comment en recevrait-on le don ? Si je suis à l’hôpital et que je n’ai pas confiance en mon médecin, même s’il sait que la pénicilline va me guérir, si j’ai peur du traitement et que je refuse la piqûre, le meilleur médecin du monde ne pourra pas me guérir. Si je ne crois pas au Christ, si je n’ai pas confiance en Lui, je ne peux pas recevoir le don de Dieu, Dieu donné par le Christ. Pour recevoir le Saint-Esprit qui va nous communiquer la vie de Dieu, il faut donc d’abord que je croie au Christ.
La foi est l’acte fondamental qui nous permet d’accueillir le Saint-Esprit. Et quand nous l’accueillons, Il ne va pas simplement nous donner des vertus, nous aider à observer la Loi, mais Il va nous transmettre ce qui est en Dieu, Il va nous transmettre l’Amour de Dieu !
Dieu va nous chercher, Dieu nous appelle et il faut répondre à cet appel. Dieu nous aime, mais il faut répondre à cet Amour. Il y a toujours une part active de l’homme : Dieu ne nous sauve jamais automatiquement, magiquement. L’amour doit être accepté et rendu. On est toujours libre de refuser l’appel, de refuser l’amour. Il faut une réponse et cela peut prendre toute une vie. Il faut s’exposer aux rayons du soleil.
Dans un texte de l’office de Pentecôte, il est dit que Dieu est bon, le Saint Esprit est bon et Il nous donne la bonté. Le Saint Esprit est amour et Il nous donne l’amour. Le Saint Esprit est Dieu et Il nous déifie. Tout ce que Dieu est, le Saint Esprit nous le transmet pour nous faire participer à ce qu’est Dieu. C’est cela, le but de la vie humaine. Nous ne sommes pas des objets destinés à être extérieurs à Dieu. Évidemment nous sommes des créatures et Lui est le Créateur, mais en faisant de nous des fils de Dieu, Il nous fait entrer dans la filiation de son Fils, dans le circuit de la vie divine.
Le Christ est mort pour nous, nous devons être les sarments du cep qu’est le Christ, qui a dit : « Pour que vous soyez en moi et moi en vous, comme moi je suis dans le Père et le Père est en moi. » (Jn 17,21) Il ne s’agit pas de faire du christianisme un simple concept en « -isme », il ne s’agit pas de faire du moralisme, il s’agit – comme le dit saint Ignace d’Antioche – d’atteindre le Christ, d’atteindre Dieu. Il s’agit de ce que saint Paul appelle la vie en Christ.
Je crois que c’est cela que la Tradition nous transmet de génération en génération, cette soif de Dieu qui a pour conséquence que Dieu se donne à nous dans son Christ et dans son Saint Esprit, nous greffe sur lui et nous fait participer à la vie de Dieu. C’est cela le baptême.
C’est plus qu’une obéissance à des commandements. Il est évident que, lorsque nous sommes greffés sur le Christ, nous n’allons pas tuer ou voler. Si l’amour de Dieu m’est transmis, si j’aime mon frère, on n’a pas besoin de me dire : « Ne tue pas », « Ne vole pas ».
La voie étroite est évidemment plus difficile que la voie large qui mène à la mort mais, en même temps, la miséricorde de Dieu est si grande ! Le Christ nous dit que les publicains et les prostituées nous précéderont dans le Royaume de Dieu, que l’ouvrier de la onzième heure recevra le même salaire que celui de la première heure. Tout cela c’est l’Évangile et ce n’est pas du moralisme. Tout cela, c’est la Tradition. Le père qui reçoit le fils prodigue dans ses bras et qui ne lui laisse même pas le temps de dire : « Reçois-moi comme l’un de tes serviteurs » (Lc 15,19), qui ne le soumet à aucune pénitence mais qui tue sur le champ le veau gras pour l’accueillir : voilà la Tradition. C’est l’acquisition de l’amour de Dieu, la participation à la vie trinitaire qui n’est évidemment possible que s’il y a d’abord la foi !
Père Cyrille Argenti
Le père Cyrille Argenti fut une figure majeure de l’orthodoxie en France au XXe siècle. Résistant, moine et prêtre à Marseille, il a œuvré à l’avènement d’une orthodoxie d’expression locale ainsi qu’au dialogue oecuménique.
Source : https://monastere-de-solan.com/content/24-pere-cyrille
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