Le Grand Jeudi est le jour vénérable de la Cène mystique, du mystère sacré de la divine Eucharistie. La trahison de Judas a été consommée, mais le Seigneur avance sereinement vers sa Passion, comme s’Il ignorait ce qui s’ourdissait contre Lui. « Le soir venu, Il était à table avec les douze » pour célébrer le repas pascal. Il se lève et se met, Lui, le Maître, à accomplir un travail qui revenait à un esclave. Il se ceint d’un linge et commence à laver les pieds des disciples, donnant ainsi un exemple suprême d’humilité et de service. Le repas se poursuit, la Pâque de la Loi, mais aussi « la nouvelle Pâque », « le Corps et le Sang du Maître ». Le Christ offre à ses disciples et à son Église le nouveau repas, le repas immortel, le sacrement qui, selon son ordre, sera célébré au long des siècles, afin que son peuple participe à sa nature divine et que se constitue le Corps de ses disciples christophores et théophores. Le repas se termine par le discours d’adieux et la célèbre « prière sacerdotale » (Jn 17, 1-26), la prière du Seigneur pour ses disciples, pour son Église. La petite communauté quitte alors la chambre haute de la sainte Sion, où elle a mangé « la nouvelle Pâque ».
Ces événements sont présentés en relief dans l’office du Grand Jeudi. Aux Matines – célébrées, selon les lieux, ou le soir du Grand Mercredi ou le matin du Grand Jeudi – la lecture de l’Évangile de Luc, le canon de Cosmas le Mélode, les stichères et apostiches des Laudes essayent de couvrir tous ces thèmes sacrés : la cène mystique, la transmission du sacrement, le lavement des pieds et la trahison de Judas.
À Vêpres, nous rencontrons encore les mêmes thèmes. Les lectures de l’Ancien Testament viennent nous apporter la voix des prophètes prédisant la Passion ; l’épître se réfère à l’institution de l’Eucharistie, et la longue péricope de l’Évangile selon saint Matthieu récapitule les événements qui ont eu lieu, depuis les premiers agissements des Grands Prêtres et des Scribes contre le Christ, jusqu’à sa condamnation par le Sanhédrin. Restent les deux événements majeurs – la Cène mystique et le lavement des pieds – qui vont constituer l’objet des célébrations particulièrement commémoratives de la Divine Liturgie de la Cène mystique et du lavement des pieds. Ces deux célébrations, de nos jours, se sont attiédies. Cette Liturgie merveilleuse, qui était célébrée autrefois, à l’heure du repas du soir, est actuellement célébrée tôt le matin, afin de faciliter la participation des fidèles au Sacrement ; d’autre part, la cérémonie du lavement des pieds est limitée à Jérusalem, où elle est née, et à quelques autres endroits. Cette cérémonie était une véritable mystagogie, une reproduction de cette scène sacrée : l’évêque lavait les pieds de douze clercs, tandis qu’on lisait, sous forme de dialogue, la péricope respective de l’Évangile selon saint Jean. Et la Liturgie de saint Basile était célébrée à l’heure exacte où l’événement extraordinaire avait eu lieu. C’était une authentique reproduction de la Cène qui avait été célébrée à la « chambre haute » de Sion. Le peuple de Dieu jouissait – comme les Apôtres autrefois – « de l’immortelle et sainte table que le Maître a préparée»[1] où était offerte « la véritable Sagesse de Dieu ». Cette Liturgie est dominée par l’ancien tropaire : « À Ta cène mystique fais-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu, car je ne dirai pas le secret à Tes ennemis, ni ne Te donnerai le baiser de Judas. Mais, comme le larron je Te crie : souviens-Toi de moi, Seigneur, dans Ton Royaume ». Ce tropaire remplace l’Hymne des Chérubins et le chant de communion de la Divine Liturgie. « Aujourd’hui », alors que l’on commémore la Cène mystique du Seigneur, Il rend participants à cette Cène les fidèles imitateurs de Ses fidèles disciples, ceux qui ne trahiront pas la foi comme Judas, mais qui, comme le larron sur la Croix, confesseront qu’ils sont des indignes citoyens de Son Royaume.
[1]. Hirmos de la 9e ode du canon des Matines du Grand Jeudi.
Jean Foundoulis (+)
Jean Foundoulis (1927-2007), marié et père de trois enfants, a écrit de nombreux livres et articles sur les questions liturgiques. Il a été professeur à l’université Aristote de Thessalonique et directeur de l’Institut patriarcal des études patristiques à Thessalonique.
Source : Extrait des Catéchèses liturgiques publiées par les éditions Apostolia en 2019.
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