C’est à Sainte-Geneviève-des-Bois, dans des conditions de pauvreté et d’isolement extrêmes, que le père Sophrony rédigea et prépara la publication de son livre, en russe, sur le Starets Silouane, un livre qui ne trouva d’abord ni large audience, ni haute reconnaissance critique, mais qui exerça cependant sur certains un irrésistible attrait. C’était au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Et, pendant une dizaine d’années, de proche en proche, d’échos en échos, de recommandations en recommandations, selon les méandres qu’épouse la ferme discrétion de l’Esprit Saint, de jeunes intellectuels de toute l’Europe, hommes et femmes, attirés par l’autorité spirituelle de plus en plus manifeste du père Sophrony, vinrent le consulter, le fréquenter et, pour quelques-uns, s’établir auprès de lui. Au point qu’il s’imposa peu à peu de trouver pour cette petite communauté de disciples, un lieu d’hébergement commun. On chercha en France, on trouva presque, mais, finalement, c’est en Angleterre qu’une des disciples du Père découvrit un lieu acceptable. Le Père et son petit équipage allèrent s’y établir et fondèrent ainsi le Monastère Saint-Jean-Baptiste de Maldon.
Qu’est-ce qui a engagé les premiers disciples à suivre le père Sophrony ?
Pour certains, c’est la lecture du livre sur le Starets Silouane qui les a incité à suivre le père Sophrony. Mais qu’est-ce qui les y a poussé , dans ce livre ? Et pour ceux qui, venus voir le père Sophrony sur sa simple réputation, s’engageaient sans avoir lu le livre ?
C’est tout simplement l’ouverture d’une voie spirituelle menant directement, sans concessions, complications ou ambiguïtés, à l’expérience de la grâce du Saint-Esprit. Une voie simple, éprouvée d’emblée dans ses prémices, vers cet état où l’absolu de soi, sans orgueil, se trouve en accord, par le Christ, avec le monde et avec Dieu. Une manière de prier qui soit, exactement, une manière d’être.
C’est ce que le livre sur le Starets Silouane et les autres livres publiés ensuite par le père Sophrony exposent en termes théologiquement explicites, spirituellement circonstanciés et pédagogiquement développés. Mais ce fut cette évidence ressentie qui fut la clé de l’engagement de ceux qui, dès le début et jusqu’à la fin de sa vie, fréquentèrent le père Sophrony. Cette clé, le père Sophrony la tenait du Starets Silouane, une clé que l’Église reconnut pour sienne et qui valut à Silouane d’être compté parmi les saints.
Le Monastère Saint-Jean-Baptiste de Maldon a gardé encore aujourd’hui l’essentiel de l’esprit de ses origines : une communauté double, d’hommes et de femmes unis dans et par la prière, se répartissant les charges de l’ascèse et du service selon l’expérience millénaire de l’Eglise, en vue de la liberté intérieure et, autant que possible, extérieure. Située en Angleterre, mais toujours composée d’hommes et de femmes de multiples nationalités, cette communauté est jeune, non seulement en raison de la moyenne d’âge de ses membres, mais en raison de la grande nouveauté du regard qu’elle porte et qu’elle vit sur les réalités du monde et sur la vérité évangélique, ce regard qui fait toutes choses nouvelles et qui est — marque initiale de la sainteté de Silouane et de l’autorité du père Sophrony — l’inspiration du Saint-Esprit.
Membres d’un « monastère invisible »
Tous ceux qui ont connu le père Sophrony, qui ont fréquenté et fréquentent le monastère, ne sont pas, bien entendu, devenus moines ou moniales orthodoxes. La plupart sont laïcs et beaucoup d’entre ceux qui ont lu saint Silouane et le père Sophrony ou ont fréquenté le monastère sont catholiques ou protestants et le sont restés. Le père Syméon, un des premiers moines du monastère, Suisse francophone d’origine protestante, très conscient du fait que la communauté des disciples du père Sophrony ne se limiterait jamais au monastère, et très soucieux de ne pas voir saint Silouane et le père Sophrony être connus seulement dans des milieux ecclésiastiques, a fondé, avec la bénédiction du père Sophrony, l’Association Saint-Silouane l’Athonite afin d’y réunir, en français, les membres de ce qu’il appelait « le monastère invisible ». Cette communauté, de prière et de sens, partage la même expérience, vécue avec les membres de la communauté de grâce que le père Sophrony a suscitée, ou ressentie par le rayonnement que l’Association continue d’avoir, par les prières de saint Silouane. C’est ainsi que, dans ses rencontres ou ses pèlerinages, et à travers ses publications, l’Association voit ses adhérents se trouver et se retrouver, au-delà de la rareté des contacts et des différences multiples qui pourraient les séparer, « naturellement » accueillis et intégrés dans des relations fraternelles et un esprit de très large compréhension. C’est là que l’Association rejoint l’expérience d’Église, qu’elle se fasse en paroisse ou autrement, et qu’elle la nourrit.
À la suite de saint Silouane et de toute la tradition spirituelle dont l’Église orthodoxe est la gardienne et l’actualisation, l’enseignement et le témoignage de saint Sophrony, que l’association entend répandre, ouvrent à l’humanité d’aujourd’hui une manière d’être de son temps, tout évangélique, c’est-à-dire inspirée par les énergies spirituelles qui, en tout moment et en toute circonstance, pour chacun personnellement, ouvrent sur l’instant éternel où règne le vivant Esprit du Christ ressuscité.
Jean-Claude Polet
Marié, père et grand-père, Jean-Claude Polet est professeur ordinaire émérite en littérature française et comparée de l’Université de Louvain-la-Neuve et membre fondateur, directeur des publications et secrétaire de l’Association Saint-Silouane l’Athonite.
L’Association Saint-Silouane : une association centrée autour de la découverte de l’intériorité et de la prière
L’Association Saint-Silouane existe depuis 1993. Elle entend s’adresser à toutes personnes avides de sens et soucieuses d’une vie où l’accord de soi, du monde et de Dieu trouve un point d’appui ferme dans l’intériorité, par la prière. L’Association, en plus de ses réunions générales, organise des groupes régionaux qui se réunissent périodiquement pour prier et commenter les textes de saint Silouane. L’Association compte quelque 400 membres, orthodoxes, catholiques et protestants, dont un certain nombre de monastères. La plupart des membres sont francophones, mais, à l’image des moines et des moniales du Monastère de Maldon, on trouve parmi eux de multiples nationalités.
L’association organise chaque année une rencontre qui a pour but de réunir ses adhérents autour d’un thème de réflexion : des conférenciers sont invités à prendre la parole et à soutenir un échange de discussion. Elle publie un Bulletin, réservé à ses adhérents, et une série annuelle, Buisson Ardent. Cahiers Saint-Silouane l’Athonite. Elle a publié, aux Éditions du Cerf, un numéro hors-série (466 p.) qui rend Hommage à l’Archimandrite Starets Syméon (1928-2009), son fondateur. L’Association organise également, chaque année, des pèlerinages au monastère Saint-Silouane, à Saint-Mars de Locquenay (Sarthe), ou au Monastère Saint-Jean-Baptiste de Maldon (Royaume-Uni, Essex), et dans les pays de tradition orthodoxe. L’adhésion à l’Association se fait par cotisation (25 € par an), qui donne droit au Bulletin et à Buisson Ardent .
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