Auteur anglais du XXème siècle, CS. Lewis a toujours été apprécié, particulièrement dans les milieux chrétiens et dans le monde anglo-saxon. Il est surtout connu pour son œuvre majeure pour enfants, les Chroniques de Narnia. Mais CS. Lewis a écrit de très nombreuses autres œuvres pour un public plus âgé, comme la Tactique du diable.
Le résumé
Écrite en 1941, publiée en 1942, cette œuvre de Lewis est une des plus populaires. L’auteur se penche sur la question de la tentation et du Tentateur, le Diable, ainsi que sur la progression spirituelle.
Le roman se présente sous la forme d’un échange épistolaire : un démon haut gradé, Screwtape, envoie des lettres à son neveu, Wormwood, jeune diable inexpérimenté. Ce dernier vient de se voir confier sa première « victime » : un jeune homme qu’il doit induire en tentation. Novice, il demande de l’aide à son oncle, qui tâche de lui faire comprendre les mécanismes de l’âme, de l’intellect et du corps qui font périr spirituellement la victime. Screwtape, le démon expérimenté, détaille au cours des 31 lettres les nombreuses méthodes pour faire chuter l’homme, détruire sa foi et faire gagner une âme à l’Enfer. Sa tactique : soumettre les hommes à des tentations subtiles qui les mèneront doucement mais sûrement sur la pente de la chute, plutôt que de les pousser à commettre des actes grossièrement mauvais dont ils se rendraient compte et se repentiraient.
Mettant en scène une relation fondée sur l’orgueil et la méchanceté, le roman nous explique de manière admirable les étapes de la tentation. En premier lieu, le démon embrouille l’esprit et le cœur des hommes. Les hommes tombent dans la confusion, ne savent plus où se trouve le curseur du bien et du mal et n’ont plus aucun discernement. Le diable peut alors les corrompre, les amener au désespoir, à l’incroyance ou à l’indifférence.
C’est donc par la tête, par l’intelligence, que le démon peut se saisir profondément du cœur des hommes, bien plus que par la chair qui n’en constitue que la porte d’entrée.
Ce qu’on en a pensé :
Plutôt que d’écrire un lourd traité théologique, Lewis a fait le choix de publier un roman plein de rebondissement, d’humour et d’espoir. Le choix d’écrire du point de vue des démons sur la tentation, plutôt que celui des hommes ou de Dieu et des anges, permet une analyse fine et parlante des rouages spirituels et de la nature humaine. On a l’impression de voir son cœur disséqué, de se voir jeter en pleine figure tous ces défauts et ces pensées qu’on souhaite ne pas regarder et ne pas admettre.
La forme épistolaire rend l’échange vivant et dynamique. C’est aussi ce qui permet d’aborder de nombreux thèmes comme l’amour, la patience, la gloutonnerie, la sexualité, la suffisance, la mort, etc.
Le diable, dont on souhaite souvent nier ou relativiser l’existence, se révèle ainsi tout-à-fait réel et manipulateur. Il est même extrêmement habile dans son jeu, déguisant le péché sous les meilleures intentions ou sous des dehors aguicheurs et séduisants auxquels on souhaite céder.
Petit bémol : la lecture est parfois légèrement inconfortable. Certaines phrases sont lourdes (du fait de la traduction peut-être ?). Autre petite difficulté de lecture : on s’embrouille parfois dans cette vision « inversée » du monde où « l’Ennemi » est en réalité Dieu ; le « Père » est le diable-en-chef, Lucifer le premier ange déchu. Rien d’insurmontable cependant car au-delà de ces critiques de forme, le fond est réussi et le parti pris particulièrement intéressant.
Petites citations choisies de La Tactique du Diable, CS. Lewis :
« Tu es bien comme tous les jeunes tentateurs, pressés d’annoncer des perversions spectaculaires, mais le chemin le plus sûr pour l’enfer est celui qui y mène progressivement. C’est la pente douce, bien feutrée, sans virages trop brusques, sans bornes kilométriques ni poteaux indicateurs ».
« Tu peux faire ce que tu veux, il y aura toujours un mélange de bienveillance et de malveillance dans l’âme de ton protégé. L’essentiel est de diriger toute sa malveillance contre ses voisins les plus proches, ceux qu’il rencontre chaque jour, et de l’amener à montrer de la bienveillance aux gens qui vivent à l’autre bout du monde et qu’il ne connaît guère »
« Insiste sur « la modération en toutes choses ». Si tu réussis à l’amener au stade où il pense que « la religion, c’est très bien à condition de ne pas aller trop loin », tu n’auras plus de soucis à te faire pour son âme. Une religion modérée vaut tout autant pour nous que pas de religion du tout, et c’est bien plus amusant. »
« Cette aversion pour « toujours les mêmes choses » est une des passions les plus utiles que nous ayons produites dans le cœur humain. C’est une source intarissable d’hérésie en matière de religion, de folie dans les conseils, d’infidélité dans le mariage, d’inconstance dans l’amitié. »
Xénia Cr.
Xénia Cr. est chercheuse dans le domaine environnemental, cheffe de chœur et catéchète. Elle est également membre fondatrice de l’équipe éditoriale des Chroniques du Sycomore.
Pour aller plus loin :
- Daniel Warzecha, L’imaginaire spirituel de C.S. Lewis : expérience religieuse et imagination dans son œuvre de fiction, Editions L’Harmattan, Paris, 2010.
- Irène Fernandez, Mythe, raison ardente : imagination et réalité selon C.S. Lewis, Editions Ad Solem, 2005.
- http://www.paroles.fm/episode/lewis-warzecha/
- https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/clive-staples-lewis-1898-1963
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